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Soi Sauvage
21 avril 2008

Solitude

      

medium_solitude_by_chix0r

Les rideaux voilent la lumière. Je vois le volet battre au gré du vent. La nuit s'annonce déjà et ce jour qui s'échappe dans cette pénombre m'angoisse.

La vie est pavée de ces instant suspendus, ces moments de silence où les choses sont là, hors du temps. Un instant de répit où je reprends mon souffle. Du moins, je le crois.

Le temps m'échappe.

Ça a commencé depuis que j'ai pris conscience de ce temps. Enfant, tout me paraissait long, interminable et je ne comprenais pas cette plainte récurrente des adultes: « le temps passe trop vite ».

Je ne savais pas ce que cela signifiait. Je les plaignais même, moi qui vivait constamment dans l'impatience de l'après. Et puis le temps m'a saisi à défaut d'être saisi par moi.

Le temps m'a emporté et m'emporte encore de plus en plus vite. Je rêve souvent de pentes à dévaler et du vertige que je ressens quand je me sens glisser. Je sais que je n'ai pas le choix, qu'il faut se laisser emporter mais j'ai peur, je m'agrippe, je m'assure de pouvoir freiner, j'essaie de ne pas lâcher prise, de rester assise sur cette pente vertigineuse, ce temps qui n'en finit pas de m'entrainer dans sa chute.

Les jours passent comme je respire, à peine levés que déjà ils se couchent. La nuit me recueille alors avec cette angoisse qui m'étouffe. La douleur est un levier de vitesse. Et plus je souffre, plus le temps m'emporte dans sa tourmente. Je ne maîtrise rien. Je souffre et ne maîtrise rien.

Je me suis attachée surtout à toutes ces petites choses insignifiantes. Prendre une douche, manger, rire, se réveiller, lire un livre, regarder la télé, sentir le soleil le matin sur mon visage, déjeuner dans la maison calme.

J'ai du mal à accepter que tout cela ne reviendra plus un jour. Il faudra pourtant partir, abandonner ce petit monde familier dans lequel je me suis blottie.

C'était bien ça le piège. Je me suis réfugiée là où il n'y a aucun refuge. Mais réfugiée de quoi?

De cette certitude soudain évidente que je vais mourir. Que tout cela est destiné à disparaître.

Cette angoisse de mourir, je ne l'avais jamais sentie. C'est un sentiment nouveau et lourd qui est apparu juste après avoir pris conscience de la beauté poignante de tout ce qui vit.

Je suis passée de l'euphorie de vivre à la terreur de mourir.

Ce n'est pas une terreur bruyante. Au contraire, elle ne fait pas de bruit.

Quand on a entrevu le visage du Bien-Aimé, comment ne pas craindre d'en perdre la mémoire. Je me sens comme un enfant qui a perdu sa mère dans la foule. Je me sens paniquée et en même temps, je suis paralysée. Je ne sais pas quoi faire de cette peur qui déborde. Y a-t-il un dictionnaire des symptômes qui apparaissent normalement après l'illumination?

C'est comme avoir été au centre d'une roue et se retrouver soudain projetée sur les bord et sentir la roue tourner de plus en plus fort.

Je me sens très seule. C'est un autre sentiment qui accompagne mon angoisse. Seule parce que je sens bien que personne n'est prêt à m'entendre, à comprendre. Et puis j'ai perdu l'envie de m'ouvrir. Je saigne trop. J'ai trop mal. Qui pourra m'entendre?

J'ai peur de faire confiance, de me livrer. Cet orgueil encombrant...

Je sais bien que je dois lâcher, me laisser glisser sur cette pente, garder confiance. La mort n'est qu'un passage, j'en ai la certitude, mais une partie de moi refuse de mourir. Je dois revenir à la conscience aiguë de l'impermanence. J'ai parfois envie de tout jeter, de revenir à une vie simple, de ne garder que l'essentiel. Je rêve d'une vie simple. Non pas une fuite. Une vie ronde et simple comme un galet. Sur laquelle je passe ma main et dont je connais toutes les aspérités et les douceurs aussi.

C'est douloureux quand j'écris ça, les larmes remplissent mes yeux.

J'ignore pourquoi cette vie-là m'est refusée. Je rêve de me réveiller avec le chant des oiseaux, de m'endormir avec le bruit du vent dans les feuillages. Ça fait cliché et pourtant. C'est si simple. Trop simple. Je m'en suis tant éloignée.

Je rêve d'une maison. Pas un château de conte de fée. Une maison modeste qui m'habiterait autant que je l'habite.

J'ai besoin de silence parce que mon esprit est bruyant, indiscipliné. Il remue comme le serpent primordial au sein de la terre. Il provoque des tremblements, des éboulements, des glissements de terrain. Aucune illusion, aucun rêve ne semble pouvoir se maintenir sur ce terrain instable.

Je rêve de silence. Je rêve d'entendre enfin le bruit ténu de mon cœur. C'est un bruit si doux qu'il faut tendre l'oreille.

Mais que celui qui des oreilles pour entendre entende.

Je sais que la prière aiguise cette écoute. Je sais que faire silence parfois, apaiser le serpent, permet d'entendre l'indicible.

C'est comme vivre en apnée. Je vis en apnée, en attendant cette bouffée d'oxygène qui va me redonner la vie. A nouveau.

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